Commémoration de la mort de Yvan et Joël
29 juillet 2006
 
 

Le 28 juillet 1986, Joël, Yvan, Berndt, 3 internationalistes, ainsi que 2 nicaraguayens mourraient dans une embuscade tendue par la Contra (contre révolution de droite), dans la Région de Matagalpa, au Nicaragua. 20 ans après, il était nécessaire de commémorer ce triste événement, dans l’idée de rappeler le passé, et de s’en inspirer afin de regarder vers l’avenir.

Quelques mois avant, en février 1986, c’était Maurice Demierre, un coopérant d’E-Changer, qui tombait sous les balles de la même organisation, à Somotillo, dans le nord ouest du pays. Dans le même objectif de commémoration, une délégation d’une quarantaine de suisses s’était rendue au Nicaragua, en février dernier. De passage à Matagalpa, ce groupe a fait une halte au cimetière de la ville, sur les tombes de Yvan et Joël. Sur ces tombes, une ancienne coopérantes qui avait connu de près Yvan et Joël, durant les années 80, à Matagalpa, se préoccupait sur la manière de commémorer leur mort, quelques mois plus tard. Son souci était de constater que les jeunes nicaraguayens d’aujourd’hui n’ont qu’une faible connaissance de la guerre civile qui s’est déroulée dans leur pays, et n’ont plus le même entrain pour la lutte sociale. Comment commémorer alors ? Comment rappeler un souvenir ?


J’avais pu participer à cet événement, au cimetière de Matagalpa. Cela ne faisait alors que trois semaines que j’avais débarqué dans ce pays, et cette réflexion m’avait intriguée. C’est donc avec une certaine curiosité que je me suis rendu le samedi 29 juillet à La Dalia (agglomération située à environ 40 km au nord-est de Matagalpa), pour la commémoration de ces assassinats.
 

Durant cette célébration, la parole a été laissée aux jeunes, à leur connaissance de la guerre civile, et à leurs ambitions pour leur avenir.

A cette journée, ont aussi participé les membres de l’association du jumelage entre Delémont et La Trinidad (commune du centre du Nicaragua), qui fêtaient les vingt ans d’amitié avec ce village.
 
Après un mot d’accueil de la présidente d’ODESAR (Organisation pour le Développement Municipal), association organisatrice de la journée, un des membres de l’association du jumelage a lu une lettre engagée signée par plusieurs Suisses qui défendent les aspects sociaux du Nicaragua, et se questionnent entre autre sur la quantité de symboles états-uniens dans la vie quotidienne du Nicaragua (photo ci-contre). Il faut rappeler que ce sont les Etats-Unis qui avaient financé la Contra, durant les années 80.
 
Ensuite, c’était au tour de cinq groupes de jeunes provenant de différentes communautés de la région (Muy Muy, San Dionisio, Esquipula, Yale, et Matagalpa), de se présenter. Ils l’ont fait chacun avec une originalité différente, déguisement, ou chanson. Le groupe de Matagalpa a même présenté une fresque représentant Joël et Yvan au cœur de leurs activités (photo ci-dessous).
 

 

Chacun de ces groupes s’étaient déjà rencontré, avant cette journée et avaient dû répondre à quelques questions.

Parmi celles-ci, il leur était demandé ce qu’ils avaient appris de leurs parents sur la période du gouvernement sandiniste, et ce qu’ils avaient préféré de cette période, selon ce qu’on leur en avait dit. La plupart soulignent le fait que l’éducation et la santé étaient alors gratuites, pour tous. Ils précisent que l’éducation est importante pour le bon comportement de chacun. Ces jeunes relèvent aussi la solidarité et l’esprit de lutte qui régnaient à cette époque. Un des groupes a aussi rappelé la fameuse campagne d’alphabétisation menée par le Père Fernando Cardenal.

J’ai toutefois été étonné de pas voir apparaître dans leurs présentations la violence provoquée par la Contra.

A la question de savoir s’il est possible ou non de se battre dans son pays, ils répondaient par l’affirmative, en ajoutant qu’il faut s’unir, et que « nous avons une bouche et un cerveau pour faire prospérer notre pays ».

Selon eux, pour mieux vivre, il faudrait entre autre améliorer la communication, diminuer l’alcoolisme et la violence.

J’ai été impressionné de l’assurance avec laquelle ces jeunes exposaient leurs réflexions. Certains groupes faisaient preuve d’imagination dans la présentation des panneaux sur lesquels ils avaient écrit leurs réponses.

 
Après ces présentations, dix nouveaux groupes ont été formés, en mélangeant les différentes communautés. Ces jeunes devaient alors se demander ce qu’ils pouvaient faire entre eux pour récupérer ces valeurs développées durant la période sandiniste.

(photo: travaux de groupe)

 

Il en ressort entre autres des idées comme la création de terrains de sport, des rencontres pour partager leurs difficultés et leurs besoins, l’établissement d’un comité de jeunes pour défendre leurs intérêts face aux municipalités et au gouvernement, et la nécessité de mieux communiquer entre les différentes communautés.

 

Dans ces travaux de groupe, j’ai relevé un esprit d’initiative important.

Après la présentation des réponses de chacun des groupes, c’est le père de Joël, qui a fait un discours (photo ci-contre). Il a terminé ses quelques mots en remettant un don à une radio locale qui diffuse un programme d’alphabétisation. Il faut rappeler que Joël avait justement travaillé dans une radio, pour la propagande sandiniste.

Chaque étape de cette journée a été marquée par un intermède musical, par des groupes de jeunes.

Ces jeunes retirent de cette journée le plaisir de se rencontrer et de faire de nouvelles connaissances. Ils aimeraient prendre exemple sur cette activité pour commémorer les martyres de leurs communautés. Ils demandent aussi à la famille et aux amis d’Yvan et Joël de continuer à cheminer avec eux.

   

La rencontre officielle s’est terminée, comme elle avait commencé, par l’écoute de l’hymne national nicaraguayen.

Sadrach Zeledón, en photo ci-contre, ancien maire sandiniste de Matagalpa, a assisté avec intérêt à cette journée. Il m’a affirmé être attentif aux besoins des jeunes.