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Le 28 juillet 1986, Joël, Yvan, Berndt, 3
internationalistes, ainsi que 2 nicaraguayens mourraient dans une
embuscade tendue par la Contra (contre révolution de droite), dans la
Région de Matagalpa, au Nicaragua. 20 ans après, il était nécessaire
de commémorer ce triste événement, dans l’idée de rappeler le passé, et
de s’en inspirer afin de regarder vers l’avenir.
Quelques mois avant, en février 1986, c’était Maurice Demierre, un
coopérant d’E-Changer, qui tombait sous les balles de la même
organisation, à Somotillo, dans le nord ouest du pays. Dans le même
objectif de commémoration, une délégation d’une quarantaine de suisses
s’était rendue au Nicaragua, en février dernier. De passage à
Matagalpa, ce groupe a fait une halte au cimetière de la ville, sur
les tombes de Yvan et Joël. Sur ces tombes, une ancienne coopérantes
qui avait connu de près Yvan et Joël, durant les années 80, à
Matagalpa, se préoccupait sur la manière de commémorer leur mort,
quelques mois plus tard. Son souci était de constater que les
jeunes nicaraguayens d’aujourd’hui n’ont qu’une faible connaissance de
la guerre civile qui s’est déroulée dans leur pays, et n’ont plus le
même entrain pour la lutte sociale. Comment commémorer alors ? Comment
rappeler un souvenir ?
J’avais pu participer à cet événement, au cimetière de Matagalpa. Cela
ne faisait alors que trois semaines que j’avais débarqué dans ce pays,
et cette réflexion m’avait intriguée. C’est donc avec une certaine
curiosité que je me suis rendu le samedi 29 juillet à La Dalia
(agglomération située à environ 40 km au nord-est de Matagalpa), pour
la commémoration de ces assassinats.
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Durant cette célébration, la
parole a été laissée aux jeunes, à leur connaissance de la
guerre civile, et à leurs ambitions pour leur avenir.
A cette journée, ont aussi participé les membres de l’association
du jumelage entre Delémont et La Trinidad (commune du centre
du Nicaragua), qui fêtaient les vingt ans d’amitié avec ce
village. |
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Après un mot d’accueil de la présidente d’ODESAR
(Organisation pour le Développement Municipal), association
organisatrice de la journée, un des membres de l’association du
jumelage a lu une lettre engagée signée par plusieurs
Suisses qui défendent les aspects sociaux du Nicaragua, et se
questionnent entre autre sur la quantité de symboles états-uniens
dans la vie quotidienne du Nicaragua (photo ci-contre). Il faut
rappeler que ce sont les Etats-Unis qui avaient financé la Contra,
durant les années 80. |
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Ensuite, c’était au tour de cinq groupes de jeunes
provenant de différentes communautés de la région (Muy Muy, San
Dionisio, Esquipula, Yale, et Matagalpa), de se présenter. Ils
l’ont fait chacun avec une originalité différente, déguisement, ou
chanson. Le groupe de Matagalpa a même présenté une fresque
représentant Joël et Yvan au cœur de leurs activités (photo
ci-dessous). |
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Chacun de ces groupes s’étaient déjà rencontré,
avant cette journée et avaient dû répondre à quelques questions.
Parmi celles-ci, il leur était demandé ce qu’ils avaient appris de
leurs parents sur la période du gouvernement sandiniste, et ce
qu’ils avaient préféré de cette période, selon ce qu’on leur en
avait dit. La plupart soulignent le fait que l’éducation et la
santé étaient alors gratuites, pour tous. Ils précisent que
l’éducation est importante pour le bon comportement de chacun. Ces
jeunes relèvent aussi la solidarité et l’esprit de lutte qui
régnaient à cette époque. Un des groupes a aussi rappelé la
fameuse campagne d’alphabétisation menée par le Père Fernando Cardenal.
J’ai toutefois été étonné de pas voir apparaître dans leurs
présentations la violence provoquée par la Contra.
A la question de savoir s’il est possible ou non de se battre dans
son pays, ils répondaient par l’affirmative, en ajoutant qu’il
faut s’unir, et que « nous avons une bouche et un cerveau pour
faire prospérer notre pays ».
Selon eux, pour mieux vivre, il faudrait entre autre améliorer la
communication, diminuer l’alcoolisme et la violence.
J’ai été impressionné de l’assurance avec laquelle ces jeunes
exposaient leurs réflexions. Certains groupes faisaient preuve
d’imagination dans la présentation des panneaux sur lesquels ils
avaient écrit leurs réponses. |
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Après ces présentations, dix nouveaux groupes
ont été formés, en mélangeant les différentes communautés. Ces
jeunes devaient alors se demander ce qu’ils pouvaient faire entre
eux pour récupérer ces valeurs développées durant la période
sandiniste. (photo: travaux de groupe) |
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Il en ressort entre autres des idées comme la
création de terrains de sport, des rencontres pour partager leurs
difficultés et leurs besoins, l’établissement d’un comité de
jeunes pour défendre leurs intérêts face aux municipalités et au
gouvernement, et la nécessité de mieux communiquer entre les
différentes communautés. |
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Dans ces travaux de groupe, j’ai relevé un esprit d’initiative
important.
Après la
présentation des réponses de chacun des groupes, c’est le père de
Joël, qui a fait un discours (photo ci-contre). Il a terminé ses
quelques mots en remettant un don à une radio locale qui diffuse
un programme d’alphabétisation. Il faut rappeler que Joël avait
justement travaillé dans une radio, pour la propagande sandiniste.
Chaque étape de
cette journée a été marquée par un intermède musical, par des
groupes de jeunes.
Ces jeunes retirent de cette journée le plaisir
de se rencontrer et de faire de nouvelles connaissances. Ils
aimeraient prendre exemple sur cette activité pour commémorer les
martyres de leurs communautés. Ils demandent aussi à la famille et
aux amis d’Yvan et Joël de continuer à cheminer avec eux.
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La rencontre officielle s’est
terminée, comme elle avait commencé, par l’écoute de l’hymne
national nicaraguayen.
Sadrach Zeledón, en photo ci-contre,
ancien maire sandiniste de Matagalpa, a assisté avec intérêt à
cette journée. Il m’a affirmé être attentif aux besoins des
jeunes. |
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